J’ai perdu mon mot
Il a glissé doucement
A disparu sans crier gare
Posé sur le coin de cette table
J’ai cherché mon O
Lui, généreux, rigolo
Je ne l’ai plus aperçu
Sous la cuillère à café
Il trainait avec le T
Dans ce petit troquet
Où Je buvais mon café
Ce T n’est sûrement pas loin
Sur un barreau de chaise
Il a du se poser
Et doit bien rire de mon désarroi
J’en ai perdu mon essence
Bouche bée je reste
Pourtant je l’aimais mon M
D’un amour sincère
Je lui laissais la liberté
De s’abandonner
A d’autres que moi
Ah ! mon M volage
Mon M de mes emmerdes !
Mon petit M d’amour
Ce M qui rimait avec toujours
J’ai perdu mes lettres
Dès que j’ai regardé par la fenêtre
Cette blonde aux allures félines
Mon M s’est envolé
Il a du lire dans mes pensées
Il a du croiser le chemin d’un autre mot
A deux il a dû trouver plus d’audace
Au pluriel, ils ont surement ajouté un S
Le S, ce sournois, qui lorgne
Sur le bonheur d’autrui
Ce S, insignifiant, que ma main
Trace sans aucun effort
Ce S a trouvé plus aisé
De se rattacher à trois lettres
Pour assoir son pouvoir
Et son plaisir de clore le mot
Tel un serpent, sa courbe sinueuse
A dû tromper mes trois petites innocentes
Mon mot, je l’attends,
Assis dans ce bistrot
Une cuillère à la main.
Mon petit noir posé
Sur cette table, je patiente
Je sais que mon mot m’observe
Il cherche le pardon
Je baisse ma garde
je ressens sa souffrance
Le T ne veut plus y penser
Le O s’enorgueille de l’aventure
Mais le M éprouve un cruel remord
Pour cet excès de liberté
Qu’un S n’a pas pu éternellement lui donner
GAS
